Historien, romancier, essayiste, Gérard A. Jaeger s'intéresse "aux personnages qui écrivent l'histoire dans ses marges". Il a consacré un ouvrage à Deibler le bourreau, un autre à Landru, et raconté la marche inexorable des Rosenberg vers la chaise électrique.
L'auteur suisse à l'écriture jouissive se passionne aussi pour les coulisses de l'art et a publié en 2001 un premier volume d'"indiscrétions d'atelier" jolie formule pour évoquer les rapports de Rodin avec les femmes et la création artistique.
Et voici que de nouvelles "indiscrétions" paraissent avec Courbet l'homme blessé. Un petit livre de 150 pages à déguster sans modération pour qui veut découvrir l'âme de l'artiste derrière l'immense carcasse du paysan de la Loue et les tonitruants coups de gueule du "maître du réalisme".
L'historien a beaucoup lu. Il a suivi les traces de son sujet sur les lieux même à Paris, à Ornans, en Allemagne et sur les rives du Léman, ultime étape de l'exil. Le résultat est une contribution biographique originale et sensible à l'histoire de Courbet. A travers les femmes que l'artiste a voulu sublimer dans son oeuvre.
Gérard A Jaeger procède par éclairages successifs pour révéler les brisures de ce sensuel qui idéalisait l'amour et en fut détruit. Souligner les fêlures de cet impatient perfectionniste, cabotin povocateur, exhibitionniste pudique, "un chaste qui ne s'admet pas tel qu'il est"...
Courbet ne savait pas parler d'amour, il le peignait pour l'effacer ensuite et ne laisser sur la toile qu'une explosion de sensualité. Perceptible jusque dans les paysages comtois aux grottes humides, et ses natures mortes aux fruits rebondis et luisants.
L'ouvrage se complète d'un précieux "parcours chronologique" et d'une abondante bibliographie.
Article de Monique Merlo, aru dans l'Est Républicain du 16/12/20006
Ouvrage édité par Punctum éditions, 150 pages, 15 euros.