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Article du 8 août 2009
Les vignerons jurassiens ont peur que le ciel leur tombe sur la tête
A Montigny, Lucien Aviet constate les dégâts du double coup de grêle du 23 juillet. Heureusement, depuis, le temps s'est mis au beau / Photo Philippe Trias
Les deux épisodes de grêle du mois de juillet ont réveillé chez les viticulteurs la peur de la colère céleste, surtout du côté d'Arbois et Montigny où le vignoble est touché pour la seconde fois en deux ans.
D'habitude, les dictons de Bacchus sont plutôt fiables, mais cette fois le ciel l'a fait mentir : « Chez nous, on dit depuis toujours que Montigny craint le gel, mais pas le grêle. » Pas de chance, le 23 juillet, la grêle s'est abattue deux fois dans la même journée sur le vignoble arboisien. Première rasade à l'apéritif avec des grêlons bien ronds qui n'ont pas fait trop de dégâts, mais le soir rebelote avec, cette fois, des morceaux de glace qui ont hâché les feuilles.
Sur leur coteau, les vignerons de Montigny n'ont pu que contempler le spectacle : « L'orage est venu de l'ouest, derrière le gros château d'eau, le plus gros morceau est tombé sur Arbois et la grêle a poursuivi sur Montigny. Pupillin a reçu aussi, c'est allé jusqu'aux Arsures. Les secteurs les moins touchés ont été la vallée de Mesnay et Villette. Le rateau était très large, il n'y a pas de parcelles épargnées, on est touché entre 10 et 30 %, parfois plus ! »
Pour les vignerons du coin, c'est la panade. L'an dernier, un orage de grêle avait déjà dévasté la moité des trousseaux de Montigny. C'était fin mai et les dégâts étaient encore plus importants parce que les bois avaient été touchés. La vigne, stressée, a mis du temps à repartir. Alors, deux années de grêle coup sur coup, ça fait mal même si la sécheresse qui s'est installée depuis a fait tomber les grains abîmés avant que la pourriture ne s'y mette. Du coup, Joël Morin, le président de la fruitière d'Arbois, s'interroge : « Deux années de suite, c'est inquiétant. Ici, très peu de gens sont assurés, mais dans l'avenir l'Etat va se désengager des catastrophes naturelles, on va réfléchir. » Quant à l'impact économique, il ne peut pas être chiffré actuellement, mais il faut s'attendre à du tangage chez les sociétaires de la coop : « Il y a déjà des exploitations fragiles, elles risquent d'avoir de gros problèmes, d'autant que des viticulteurs déjà touchés l'an dernier ne vont rien gagner pendant deux ans ! » Et Joël Morin de rappeler qu'au lieu d'une cinquantaine d'hectos à l'hectare en moyenne, la production a été de 41 l'an dernier, sans doute dans les mêmes eaux cette année : « Impossible d'augmenter le prix des bouteilles. Pour ceux qui ont investi et qui ont des remboursements fixes, ça va être difficile ! » Pour Vincent Aviet, touché deux fois lui aussi, il faut se faire une raison : « Dans notre malheur, on a la chance qu'il fasse beau et que la maladie ne s'y mette pas. On a de bons stocks, mais il va falloir taper dedans en espérant que les trois semaines qui restent avant les vendanges se passent bien. » Bacchus, son père, a toujours été un poète de la vigne. Pour lui, la grêle a frappé le vigneron autant que le vignoble : « L'an dernier, la vigne est restée trois semaines sans bouger après la grêle et le vigneron aussi. C'est notre travail, notre terre qui est dévastée, ça nous sape le moral. 2009 se présentait aussi bien que 2000 et 2005 avec des sols faciles, pas de maladie, de beaux raisins. Ici, on était toujours épargné par la grêle. C'est en train de changer ! »
Armand Spicher