Les efforts des agriculteurs
La profession agricole a présenté hier à Ornans les actions engagées pour préserver la qualité de la Loue.
Les Assises de la Loue visant à faire le point sur les travaux en cours pour restaurer la qualité de cette rivière touchée par des épisodes de mortalité piscicole en 2010 et 2011 ont eu lieu hier à Ornans. Parmi les 200 personnes (!) ayant droit de citer sur ce dossier, la profession agricole, longtemps montée du doigt sur les origines de la pollution, a présenté les actions qu'elle avait engagées.
Rappelons tout d'abord que sur le bassin versant de la Loue, l'agriculture est orientée vers la production de lait de qualité en filière comté. Elle est basée sur la valorisation des prairies et "
s'exerce sur un milieu karstique fragile", comme l'indique l'étude menée par la chambre consulaire.
D'où cette première volonté affichée par les élus "
d'éviter l'épandage des effluents liquides en période hivernale". Cela s'est traduit par la mise en place d'un programme de modernisation des bâtiments d'élevage. Résultat, après une phase de sensibilisation des éleveurs de la Loue, 156 exploitation se sont engagées à réaliser des travaux de maîtrise des pollutions, entre 2011 et 2013. Le coût de la réalisation d'ouvrages de stockage des effluents (fumier et lisier) est estimé à 7,3 millions d'euros "
dont environ 70% financés par les éleveurs". Le reste des aides provenant de l'Agence de l'eau, des services de l'Etat et des collectivités territoriales.
Stocker les effluents n'est pas tout. Il faut ensuite les épandre correctement. Après avoir affiné la connaissance du milieu, les techniciens de la chambre d'agriculture ont établi un document de référence pour les professionnels concernés précisant les interdits réglementaires (tiers, cours d'eau, captage...) et les interdits agronomiques dans les zones à risque d'infiltration (dolines, pentes...). Et pour que tout le monde y voie clair, des cartes communales de sensibilité aux épandages ont été élaborées. "
Réalisées à une échelle moins précise que le plan d'épandage individuel, elles précisent les zones de vigilance accrue pour les agriculteurs, les conseillers, les maires..." mentionne encore le rapport.
Des intérêts à concilier
A croire que plus de communication s'avérait nécessaire. C'est ainsi qu'à germé l'idée d'envoyer cinq fois par an aux éleveurs de la Loue, mais aussi du Dessoubre, du haut Doubs et du Cusancin, des bulletins d'informations techniques. Ces "
Lettres des opérations collectives" visent à rappeler à leurs 1400 destinataires les bonnes pratiques d'épandage, et les inciter à faire toujours plus dans la réalisation d'ouvrages de stockage, sans oublier les derniers rappels réglementaires.
La chambre d'agriculture ne crie pas victoire pour autant. Suivant les recommandations des experts, elle entend aller plus loin dans la connaissance de l'impact des pratiques agricoles, notamment dans le sous-bassin de la source Plaisir Fontaine, où l'installation d'une sonde permettra de mettre en relation l'évolution des teneurs en azote avec la pluviométrie et les pratiques agricoles pour "
passer des quelques analyses d'eau par an à une mesure en continu des teneurs en azote".
Dans le même esprit de précaution, les élus de la profession préconisent le développement du conseil individuel à la destination des exploitants agricoles par le biais de nouvelles prestations : "
Traç@culture" et "
Tr@açaprairie". Avec toujours le même objectif : "
Concilier des intérêts agronomiques, économiques et environnementaux".
L'agriculture dans le bassin versant de la Loue, c'est :
- - 121 communes (127 000 hectares)
- 54 000 ha de surfaces agricoles (42%), dont 90% de prairies
- 51 000 ha de forêts (41%)
- 603 exploitations agricoles (95% produisent du lait)
- 19 élevages porcins
- 21 élevages bovins
- 23 000 vaches laitières
Point de vue scientifique
Plusieurs scientifiques s'appuient sur les recommandation de l'office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onéma) pour limiter les mortalités de poissons et les efflorescences de cyanobactéries dans la Loue :
- La première se rapporte à une meilleure maîtrise des flux de nutriments dans la rivière (et dans son bassin versant) en particulier de phosphore et d'azote. Si l'information et l'éducation sont importantes, elles ne seront pas suffisantes ; les experts demandent à ce que soient identifiées au plus vite les principales sources de ces deux éléments afin de prendre des mesures adaptées pour les maîtriser.
La seconde recommandation consiste à redonner de la liberté à la rivière en effaçant certains seuils et barrages afin d'accélérer son écoulement et ainsi limiter le nombre de zones à faible débit qui favorisent le réchauffement des eaux et les proliférations d'algues et de cyanobactéries. Cette mesure permettra également d'améliorer la reproduction d'espèces comme la truite et l'ombre.
La troisième action concerne les pratiques de la gestion de la pêche, y compris la politique de repeuplement, pour minimiser les risques sanitaires et génétiques qu'elle peut entraîner.
Enfin, la dernière action proposée repose sur la vulnérabilité particulière du bassin versant de la Loue, du fait de son caractère karstique et de la faible épaisseur de son sol. Dans ce contexte, pour garantir un bon fonctionnement des cours d'eau, cela demande un degré d'exigence plus élevé concernant les activité humaines polluantes, qu'elles soient d'ordre agricole, sylvicole, urbaine ou industrielle. Pour chacune des activités à risque, une cartographie des zones du bassin les plus vulnérables devrait être dressée afin de mieux cibler les actions de gestion.
Fabrice Colombani, le 12/10/2012
