Le célèbre vacherin a trouvé son historien.
Fameux mont-d'or : peut-être le seul fromage à bénéficier de deux AOC, en Suisse et en France. Alors, d'où est-il originaire ? "Il sort du froid et du bois", répond Denis Bonnot qui retrace son histoire. Mieux même, il révèle son âme : les vrais fromages en ont une comme le mont-d'or sous sa rude écorce a un coeur tendre. Il fallait donc quelqu'un qui l'aime avec passion et non pas seulement qui l'apprécie des papilles, pour s'aventurer dans les sentes des forêts du Risoux où se trouvaient les premières "granges", sur les chemins effacés du passé...
Sans frontière
"Nos ceps de vigne, ce sont nos vaches", aime à dire François Petite, ancien président du syndicat du mont-d'or. Denis Bonnot souscrit évidemment lui qui a aussi participé à relancer la vigne dans la vallée de la Loue, pays de ses racines et qui est tombé dans la "boîte" pour avoir été journaliste à l'Est Républicain à Pontarlier, dans les années 70, à l'époque où le mont-d'or entamait un formidable développement économique.
La plume parfumée, il aurait pu être poète du mont-d'or, il s'en fait plutôt l'ethnographe, précis et sans parti-pris, notamment sans souci de la frontière dont les usages faisaient peu de cas autrefois. Mais que la réglementation a rétablie, obligeant à un vacherin suisse thermisé outre-Jura, au lait cru chez nous. Frontière que la concurrence marque aujourd'hui un peu plus... Même si Jean-Michel Rochat, affineur aux Charbonnières en Suisse, à l'origine de cet ouvrage, rappelle : "L'histoire de notre fromage est faite d'une longue tradition d'échanges."
Par exemple, fromagers venus de Suisse, boîtes de France !
Vacherin, fromage de vachers ? Berceau : les montagnes et leurs granges d'altitude bien sûr, la Savoie devenue lausannoise peut-être ? Dans les montagnes du Jura, le rapport d'une bagarre avec mort d'homme à propos des bois, entre gens de la Vallée de Joux et de Mouthe occupés à faire des boîtes, en 1634, donne la date la plus ancienne.
Sur les traces de la boîte
La boîte, la boyte, la bouette, est souvent la première preuve de l'existence du Mont-d'or. "Le Mont-d'or n'est pas donné à tout le monde. Ce fromage du froid demande une réelle maîtrise du lait", note Denis Bonnot.
La boîte, boîte de Pandore parfois : l'auteur n'ognore pas le problème de l'origine de la sangle, il rappelle la séisme sanitaire de 1987, crise de la salmonellose et de la listéria, qui frappa les producteurs, suisses et par ricochet les Français. Un mal pour un bien : elle assura une publicité au mont-d'or qui, depuis, en France, a quintuplé ses ventes (560 tonnes en Suisse, 4000 en France).
Le Mont-d'or fut toujours une pépite de fromage. Autrefois sur la table du petit Trianon apprécié de Marie-Antoinette, on l'a vu sur celle de Gorbatchev et c'est un chalet du Haut-Doubs qui alimente l'Elysée.
Avec quelques recettes en annexe, une histoire de la boîte à déguster toute chaude sans modération.
Editions Aréopage, Lons-le-Saunier. 170 pages. 25€
Pierre Dornier, article de l'Est Républicain