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Article du mercredi 11 juin 2008
Aire urbaine
Sochaux : Il y a 40 ans, tué par balle à la portière « J » de Peugeot
![Image](http://media.lalsace.fr/imagesJournal/284505rp0009e11.jpg)
C’est ici il y a 40 ans, devant cette loge que Pierre Beylot, ouvrier de 24 ans a été tué d’une balle lors de l’évacuation de l’usine par les CRS, le 11 juin 1968.
C’était un 11 juin. Au petit matin il y a 40 ans jour pour jour. Les CRS ont pour ordre d’évacuer l’usine de Sochaux occupée par les grévistes. Pierre Beylot est tué d’une balle tirée par un CRS. Il avait 24 ans.
Le document est jauni par le temps. Forcément. Il dort dans un tiroir de la Direction générale de la sûreté nationale au rayon des affaires classées depuis quarante ans.
Tombés pour le libre exercice du droit de grève
Classée, la mort de Pierre Beylot un 11 juin 1968 à Sochaux ne l’a jamais été par les syndicalistes qui depuis quarante ans viennent se recueillir avenue d’Helvétie. Face à la succursale Peugeot de Montbéliard, à deux pas de la portière centrale des usines. Là où une stèle a été posée à la mémoire de Pierre Beylot et Henri Blanchet, « tombés pour le libre exercice du droit de grève ». Ils avaient 24 ans et 49 ans. Au petit matin du 11 juin, Pierre Beylot est tué d’une balle tirée par un CRS. Il laisse une veuve et une fillette de deux ans. En fin d’après-midi, Henri Blanchet chute d’un mur au carrefour de la rue Joffre et des Grands jardins. « Mort accidentelle », précise la PJ dans un rapport de police daté du 12 juin 1968. « Touché par le souffle d’une grenade lancée par les services de l’ordre et mortellement blessé à la tête », assurent les témoins de cette terrible journée.
Rapports d’enquêtes
Le monde du travail est en colère. Les salaires sont bas. Les horaires élevés (47,5 heures par semaine). Les conditions de travail pénibles, les syndicats ne sont pas reconnus dans l’entreprise, les sanctions fréquentes pour les militants. Le 11 juin, l’usine Peugeot à Sochaux est occupée. Depuis Paris, l’ordre est donné d’évacuer les grévistes. À 2 h du matin, les CRS et gardes mobiles débarquent, « dégagent les piquets de grève sans ménagement… Toute la journée des affrontements ont lieu entre les forces de l’ordre, les travailleurs et les habitants du pays de Montbéliard. Les CRS emploient la force, grenades lacrymogènes, tirs à balles réelles… » raconte Pierre Petitcolin, responsable CFDT à Peugeot Sochaux en 1968. Au soir du 11 juin, le bilan est lourd. Accablant. Deux morts et des dizaines de blessés. L’opinion est consternée. Le procureur de Montbéliard ouvre une information judiciaire, saisit le 11 juin le juge d’instruction Jean Chapuis de Montaunet qui, sur commission rogatoire, ordonne des transports sur les lieux. Photos, plans des sites concernés, recherches « de toutes traces de balles, impacts de grenades et autres indices résultant des incidents du 11 juin » sont effectués.Dans le rapport de recherches des causes de la mort de Pierre Beylot, se mêlent des photos « d’un trou provoqué par un projectile dans la porte métallique donnant accès à la cour de l’ARS », d’un land rover incendié et retourné devant l’usine, de la loge de la portière J devant laquelle le jeune ouvrier a été mortellement blessé.
Cérémonie aujourd’hui
« Pierre Beylot et Henri Blanchet symbolisent la résistance ouvrière face à l’intransigeance du patronat, face à la volonté du gouvernement d’en finir par la force avec les grèves et les occupations d’usines… Cette résistance ouvrière a permis d’obtenir les acquis sociaux dont nous bénéficions encore aujourd’hui », assure la CGT, site de Sochaux qui, aujourd’hui mercredi à 16 h 15, rend hommage aux salariés tués le 11 juin.
Cette 40e commémoration revêt une dimension particulière avec la présence des familles des victimes, la participation de la municipalité de Montbéliard et de la CFDT.