LES DEPECHES LE PROGRES
www.leprogres.fr
Article du mardi 9 septembre 2008
Amap : le panier déborde
La vente de viande et de légumes par souscription a le vent en poupe. Les Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne fonctionnent bien dans le Jura et les producteurs croulent sous les sollicitations
«Je ne sais pas si j'ai envie que vous parliez de moi » lance Emmanuel Kovaric. « Vous savez, je ne peux pas satisfaire toutes les demandes ».
Installé à Grusse depuis 2004, le maraîcher a d'emblée orienté son activité sur la vente directe. Dès l'année suivante se constituait autour de lui l'Amap des Jardins du Sud Revermont. Une association pour le maintien d'une agriculture paysanne qui devait très vite connaître un succès fou.
A tel point qu'aujourd'hui, la liste d'attente compte une vingtaine de familles. « Et on ne prend plus personne Maintenant, j'envoie les gens vers des collègues qui projettent de s'installer prochainement » explique Emmanuel Kovaric. D'ailleurs, ce dernier participe activement à la formation et à l'accompagnement de jeunes désireux d'entrer dans la profession.
A l'instar de Pierre Adami, adhérent de la première heure, les consommateurs recherchent à la fois des produits de qualité, des circuits courts mais aussi l'intérêt financier de la démarche. En l'occurrence, le maraîcher de Grusse pratique l'agriculture biologique à des « prix justes ».
« Les produits sont diversifiés, ils se gardent mieux, on peut davantage étaler la consommation » estime ce père de famille.
Comme lui, ils sont chaque année plus nombreux à se tourner vers des producteurs locaux avec lesquels se nouent des relations de confiance, des contacts quasi amicaux même à en juger par l'ambiance qui règne à la distribution des paniers garnis.
« C'est une formule d'avenir » estime André Régler, qui met en relation producteurs et consommateurs autour de Bletterans.
Relocaliser l'économie
Sur les tablettes de ce « citoyen militant », une quinzaine de personnes non satisfaites. « Les expériences servent d'exemple » estime-t-il. Et font des émules. Très bientôt, « le coût des transports va nous obliger à relocaliser toute l'économie ». Et les Amap ont toutes les chances de continuer de fleurir un peu partout.
A Nevy-sur-Seille, Elke-Ingrid Schuppert et Benjamin Fisher, éleveurs bio, exercent depuis sept ans avec cette même philosophie qui consiste à s'exclure autant que possible des filières commerciales traditionnelles. « Pour nous, il était inconcevable de vendre autrement qu'en direct » explique la jeune femme. Très vite, le bouche à oreille a fonctionné. L'Amap des Essertines, qui s'est constituée il y a quatre ans maintenant, a permis au couple de bénéficier d'une clientèle fidèle d'une cinquantaine de familles. L'association représente aujourd'hui 40 % de son chiffre d'affaires. Leur carnet de commandes n'est pas encore à saturation. Toutefois, compte tenu des obligations qu'ils s'imposent en terme de qualité de production (une dizaine de porcs et une vingtaine de vaches pour un peu plus de 32 hectares de terrain), les possibilités restent limitées.
Pour l'heure, le territoire jurassien ne recense qu'une petite demi-douzaine d'Amap. Mais l'engouement que ce concept d'engagement réciproque suscite devrait encourager de nombreuses initiatives. Quelques unes, d'ailleurs, sont en passe de se lancer.
Karine Jourdant
kjourdant@leprogres.fr
--------------------------------------------------------------------------------
De nouvelles perspectives pour la profession
« Jamais nous n'avons eu autant de demandes de formation en maraîchage que depuis que les Amap existent » indique Michel Guilleminot, responsable de la formation en agriculture biologique au Centre de formation professionnelle et de promotion agricoles (CFPPA) de Montmorot. Et ces dernières années, de nombreux stagiaires, à l'instar d'Emmanuel Kovaric à Grusse, ont fait le choix de s'installer en adhérant au concept. Ce qui les intéresse : « La sécurité commerciale, l'avance de trésorerie que permet le système, le contact avec le consommateur et l'idée d'un développement local ». Si bien que l'essor s'avère considérable et que les listes d'attentes de consommateurs s'allongent singulièrement. Offrant de nouvelles perspectives aux porteurs de projets mais aussi suscitant au passage quelques vocations semble-t-il.