La Terre de chez nous (TCN) : Une nouvelle fromagerie va ouvrir ses portes d'ici la fin de l'année à Montbéliard. Cela peut sembler étonnant aux yeux de certains ?
André Alix (A. A.) : C'est vrai. Mais il n'y a pas que le foot est les voitures dans le Pays de Montbéliard. Il reste encore des gens passionnés par l'élevage, fiers de leurs terres, de leur comice, et amoureux de leurs vaches.
TCN : Ces agriculteurs vont valoriser leur production dans une bâtisse pas comme les autres, la ferme du Pied des Gouttes.
A. A. : C'est en effet un lieu symbolique. Cette ferme a appartenu à la famille Graber qui a introduit la race Montbéliarde dans la région au XVIIIème siècle en croisant une vache suisse-allemande avec une race locale. Fabriquer du fromage dans cette ferme entre l'Axone, l'autoroute et à proximité de la zone commerciale va permettre de conforter l'image de la Montbéliarde et de l'agriculture.
TCN : A vous entendre, l'avenir des agriculteurs semble incertain dans l'Aire Urbaine ?
A. A. : Il faut dire que depuis des dizaines d'années, on a vu disparaître des producteurs de lait et des petites coopératives, village après village. Et ce, au profit de l'urbanisation, de la production de céréales, mais aussi parce que nous n'avons pas ici, dans le berceau de la race Montbéliarde, la possibilité de faire du Comté.
Rester compétitif
TCN : Face à ce constat, vous avez lancé ce projet il y a trois ans.
A. A. : En fait, la génèse est venue de la Chambre d'agriculture, qui développait la diversification. Nous ne sommes pas contre l'idée de planter des légumes, de faire des ateliers porcs ou volailles... chacun fait ce qu'il sait faire. Nous, nous ommes éleveurs laitiers. Et notre objectif est de rapporter plus de valeur ajoutée sur les dernières exploitations laitières sans faire de gros investissements et sans avoir un temps de travail énorme.
TCN : bref, l'adage qui dit que l'union fait la force vous va comme un gant...
A. A. :Nous devons conforter les éleveurs, leur donner des perspectives d'avenir. Cela fait 30 ans que l'on produit plus alors que nous sommes de moins en moins. Et aujourd'hui, il faut toujours être compétitifs avec nos exploitations qui produisent en moyenne 160 000 litres de lait par an contre 400 000 en Hollande. On ne sera jamais à leur niveau, nous sommes en secteur péri-urbain, il est impossible d'avoir 400 vaches sur nos fermes ; d'ailleurs, ce type de production industrielle ne nous intéresse pas. Mais vu que les charges augmentent, que le prix du lait ne bouge pas, il faut bien se poser ces questions : "Je fais un boulot à côté ? Je me lance dans les céréales, les vaches allaitantes ? Je continue ?" Donc pour nous, le pari, c'est de dégager plus de revenus en se lançant sur un marché qui n'existe pas dans le secteur. On démarrera petit, pour préparer demain et créer une dynamique. Nous avons envie d'avancer, c'est humain !
TCN : Avec les 300 000 habitants que compte l'Aire urbaine et l'attirance grandissante pour le "manger local", ça devrait marcher ?
A. A. : On l'espère. Il est vrai que les consommateurs veulent de plus en plus des produits de proximité. C'est un appel d'air qui nous conforte dans notre choix vers des circuits courts.
"Mosco" invité à traire
TCN : Ces mêmes circuits séduisent aussi les élus locaux et notamment ceux de PMA (Pays de Montbéliard Agglomération) qui vous ont soutenus dans cette aventure.
A. A. : PMA a joué le jeu en finançant les travaux que nous allons rembourser. Sans eux, nous n'aurions rien fait. Pour PMA, la valorisation des produits locaux n'est plus une illusion. Nous allons pouvoir répondre à leurs demandes pour les cantines scolaires, les collectivités, l'Adapei...
TCN : Pouvez-vous nous donner un avant-goût de ce que l'on trouvera (et verra) dans la ferme du Pied des Gouttes ?
A. A. : Des yaourts, du beurre, de la crème ; pour les fromages, de la raclette, la tomme des Princes, une spécialité, et du morbier puisque nous sommes dans la zone de production. Il y aura aussi un espace pédagogique avec des images du passé et celles d'aujourd'hui pour bien rappeler que nous ne sommes pas des paysans pollueurs.
TCN : Pierre Moscovici, ancien président de PMA devenu ministre de l'Economie, sera présent ce samedi. Que lui réservez-vous ?
A. A. : Comme tous les élus présents, on lui proposera de traire une vache.
Propos recueillis par Pierre Colombani.
Le 23/02/2013
