La surmortalité des colonies d'abeilles observées ces dernières années est multi-factorielle. Loin de stigmatiser l'agriculture, les 1ères assises régionales de l'apiculture ont plutôt posé les bases d'un dialogue fructueux entre deux acteurs interdépendants.
Le 16 novembre dernier avaient lieu à Besançon-Micropolis les premières assises régionales de l'apiculture. Un succès, tant du point de vue du nombre de participants (environ 200) que de la qualité des interventions ! Pierre Ducros, docteur vétérinaire au GDS (Groupement de Défense Sanitaire) apicole de Saône-et-Loire, a commencé par brosser le portrait de l'abeille "une travailleuse acharnée et fragile". "L'activité de l'abeille ne se limite pas aux vols des butineuses, a rappelé le spécialiste :à l'intérieure de la ruche, jour et nuit pour maintenir la température entre 30 et 35°C, nourrir les larves (en 24 heures une larve est alimentée par 1300 nourrices), ou déshydrater le nectar de 70 à 17% d'humidité. C'est d'ailleurs une des difficultés de l'apiculteur, car cette partie est invisible !"
Pour mener à bien ses différentes tâches, l'abeille est particulièrement outillée. "Le couplage des ailes, associé à une puissante musculature dorsale, lui permet ses extraordinaires performances en vol. L'abeille est capable de transporter quasiment son propre poids dans son jabots, d'une capacité de 50 à 75 mm3. 10 grammes de miel, la cuillerée que vous utilisez au petit-déjeuner, correspondent à 400 jabots, soit 5000 fleurs visitées. Pour fabriquer 1kg de miel, les abeilles ont parcouru 40 000 km, c'est la distance d'un tour du monde. Une colonie visite un demi-milliard de fleurs chaque année".
Gare aux effets cocktail
Mais l'hyménoptères a aussi ses points faibles. Ainsi la cuticule cireuse qui protège son corps a des affinités chimiques avec certains adjuvants employés dans les traitements phytosanitaires. L'abeille est aussi extrêmement dépendante de sa prodigieuse capacité d'orientation et de communication avec ses semblables, qui peuvent être perturbées par des molécules employées dans la lutte contre les mauvaises herbes, les maladies fongiques ou les insectes ravageurs des cultures... Sans rejeter l'entière responsabilité des surmortalités d'abeilles observées ces dernières années sur les pratiques agricoles, le vétérinaire a néanmoins pointé du doigt quelques notions importantes pour faciliter la compréhension du sujet. D'abord la notion de synergie : "deux produits aux effets anodins quand ils sont employés séparément peuvent avoir, quand ils sont mélangés, non pas un effet cumulé, mais démultiplié !" Ainsi un mélange d'un insecticide et d'un fongicide communément employés, chacun entraînant une surmortalité d'abeilles de l'ordre de 10%, provoquent en mélange 74% de mortalité. De même, on observe des interactions entre l'exposition d'une colonie à un insecticide (le fipronil) et sa capacité à résister à une maladie fongique (nosémose). Second paramètre à prendre en compte : l'effet retard. Si les butineuses ramènent à la ruche des toxiques avec le nectar et le pollen, ceux-ci seront consommés plusieurs semaines, voire plusieurs mois plus tard par la colonie. "Ces doses sublétales vont affaiblir la colonie, et parfois compromettre sa survie, sans que l'apiculteur puisse faire le lien avec un évènement particulier. C'est pour cette raison que la DL50, dose létale pour 50% des individus [NDLR : utilisée pour évaluer la toxicité des molécules phytosanitaires], n'est pas une option pertinente dans le cas des abeilles".
Biodiversité alimentaire
Le docteur Duclos a eu ensuite l'occasion de détailler les maladies, parasites et troubles qui affectent l'abeille, rappelant au passage les mécanismes de déclenchement d'une maladie. "Comme nous, les ruchers sont exposés à des germes pathogènes extrêmement dangereux... Pourtant, la plupart d'entre nous ne présentent pas de symptômes, ne tombent pas malades. C'est la même chose pour les abeilles !". Loque européen, couvain sacciforme, nosémose... Autant de maladies qui frappent les colonies quand elles sont affaiblies. Une nourriture suffisante en quantité, mais aussi en qualité (variété) est indispensable à la santé des abeilles. D'ailleurs Nicole Pons, ancienne directrice du laboratoire départemental d'analyses du Doubs, elle-même apicultrice, a présenté les enjeux de la biodiversité alimentaire pour la santé de l'abeille. "Les différentes castes ont des besoins différents, déclarait-elle en préambule, avant de présenter les différentes sources de glucides (nectars de fleurs principalement) et de protéines (pollens principalement) de la ruche, ainsi que leur variabilité de composition au sein de la même espèce végétale. "Quelle plante va être capable de tout concilier ?"
Le 23/11/2012
