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Article du dimanche 15 février 2009
Belfort
Commerce
Michelle lève le verre de la retraite à la Brasserie des Halles

Depuis le 13 mars 1973, Michelle a fait le plein de bons souvenirs à la Brasserie des Halles à Belfort. Photo Sylvain Michel
Depuis 36 ans, Michelle et la Brasserie des Halles sont étroitement liées. Le 1er avril, la patronne fêtera sa retraite, partageant avec ses clients une tournée de souvenirs.
C’était le 13 mars 1973. Ce jour-là, la patronne de la Brasserie des Halles s’en souvient comme si c’était hier : « Au départ, je ne pensais pas m’inscrire dans la durée. Pourtant, 36 ans plus tard, je suis encore là », raconte Michelle qui ne tient pas à révéler son vrai prénom, qui garde le mystère quant à son nom de famille. Une certitude : le bar du 1, rue Quai-Vauban, au centre-ville de Belfort, dont la licence date de 1903, restera longtemps associé à l’image de sa patronne. Car le 1er avril, Michelle prendra sa retraite : « Je ne réalise pas encore que je vais tout quitter. D’ailleurs, je n’ai encore préparé aucun carton ».
À 59 ans, elle n’est pas pressée d’abandonner son comptoir, après avoir servi des générations de consommateurs, devenus autant d’amis. « Au fil du temps, la clientèle a beaucoup évolué. À une époque, les étudiants venaient boire leur café tous les matins. Depuis qu’ils disposent de distributeurs de boissons, on ne les voit plus. Les jeunes qui jouaient au flipper ou au baby-foot ne pensent plus qu’à Internet et à leur téléphone portable. Quant aux plus âgés, ils n’ont plus de sous. Sans compter les restrictions. Avec l’interdiction de fumer, j’ai perdu 40 % de mon chiffre d’affaires », explique-t-elle.
C’est le moment d’arrêter
« Malgré tout, je ne retiens que des bonnes choses. Avec les militaires, notamment les appelés, c’était la fête tous les soirs. Mais il n’y avait jamais de bagarre. Après la fermeture du bar, nous allions en discothèque, au Charleston à Danjoutin, ou au Martyn’s à Pérouse. Après avoir dansé, on prenait une choucroute au Buffet de la gare avant de revenir à la brasserie que je rouvrais à 4 h l’été, à 5 h l’hiver, souvent sans avoir fermé l’œil de la nuit », se rappelle Michelle : « Nous étions jeunes, désormais il faut penser à se reposer ». Le regard se trouble, séquence émotion : « Au mois de novembre, j’ai été victime d’un accident cardio-vasculaire. Ça m’a fait réfléchir, c’est le moment d’arrêter ».
Dans quelques semaines, elle quittera définitivement la Brasserie des Halles ainsi que son appartement situé à l’étage pour s’installer du côté de L’Isle-sur-le-Doubs et voir plus souvent sa fille Magalie, née le 1er janvier 1982. Une des rares années où Michelle a pris des vacances que certains redoutent désormais. La Brasserie des Halles est en effet devenue le lieu de rendez-vous des sportifs, des supporters du FC Sochaux qui peuvent suivre les matches de leurs protégés — et bien d’autres affiches, notamment des rencontres de rugby — sur grand écran. « J’ai été touchée par la passion du foot en 1998. J’étais sûre que nous allions remporter le Mondial. J’ai décidé d’acheter une télé pour qu’on en profite tous ensemble ». Depuis, les murs du bar se sont couverts d’une soixantaine d’écharpes de clubs parfois achetées, souvent offertes. Des écharpes qu’elle met en vente au prix de cinq euros au profit du Secours populaire. Un geste généreux, à l’image de cette femme qui s’apprête à tourner une des plus belles pages de l’histoire du commerce local.
Sylvain Michel