L'ardent théâtre de Jean-Luc Lagarce
L'ardent théâtre de Jean-Luc Lagarce
L'oeuvre de l'auteur franc-comtois, qui a grandi à Valentigney, suscite de nombreux spectacles, colloques et publications. « Les Solitaires Intempestifs » animent cette année Lagarce. rnrnBESANÇON. Il était ce grand jeune homme, fils d'ouvriers Peugeot et du pays de Montbéliard, grandi en Valentigney, une de ces villes industrieuses où la vacance dominicale saisit le coeur, où l'attente de ce qui n'arrivera jamais peut se muer en désespoir. Jean-Luc Lagarce, cheveux de bassiste rock en 1980 à 23 ans, crâne rasé, cuir et émacié dix ans plus tard, était de cette terre de devoir protestant. Il l'avait quittée pour aller étudier la philosophie à Besançon la voisine, vieille ville de garnisons, de soutanes et d'utopistes. Jean-Luc Lagarce était surtout ce très haut jeune homme d'un pays et d'une langue, d'un désir et d'un amour, d'un plaisir et d'une lumière, le théâtre. Il est mort à l'âge de 38 ans à la fin du mois de septembre 1995, il allait reprendre Lulu de Wedekind. Tôt, il avait créé le théâtre de la Roulotte, ainsi intitulé en hommage à Jean Vilar. rnrnLagarce a monté Ionesco et Labiche, Racine et Marivaux, Molière et Swift. Surtout, il n'a cessé d'écrire des textes ardents, intimes, denses, faisant corps avec l'amour et la mort, la perte et le désenchantement, la douleur et la solitude. Ses pièces, ses textes à l'écriture tour à tour serrée, ample, en lanières et en entrelacs, ont longtemps passé pour difficiles d'accès voire intellectuels, ont été peu montés et peu joués de son vivant. A tort, car la langue de Lagarce est claire, charnelle, faite de durs éclats concrets. rnrn« Son théâtre ne correspondait pas à l'air du temps des années 80-90 où le texte servait le metteur en scène. A l'époque, Bernard-Marie Koltès a bénéficié de la complicité de Patrice Chéreau. Jean-Luc ne s'inscrivait pas dans une dynamique de la vie théâtrale, il a peu monté ses textes. Ses textes sont trop forts, c'est le metteur en scène qui doit être à leur service », souligne François Berreur, organisateur de l'année Lagarce. Lui qui fut son assistant, qui a mis en scène et présenté un spectacle fondé sur trois récits au festival d'Avignon 2001, a publié l'intégrale de son oeuvre aux « Solitaires Intempestifs ». Cette maison d'édition dont l'intitulé provient d'un spectacle de Lagarce, François Berreur, Pascale Vurpillot, déjà présents lors de l'aventure de la Roulotte avec la comédienne Mireille Herbstmeyer, l'ont créée à Besançon avec l'objectif de publier des auteurs de théâtre. Ils en ont élargi aujourd'hui le fonds. rnrnrnL'auteur le plus joué rnrn« Le sida n'a jamais donné de talent » : François Berreur le dit d'autant plus que l'oeuvre de Lagarce a commencé hélas à retenir l'attention à partir de sa mort. Contrairement à Guy Hocquenghem, Copi ou Hervé Guibert, Lagarce n'a pas fait de l'homosexualité un étendard et du sida un matériau littéraire. A juste titre, il refusait d'être un auteur de la maladie maudite qui rôde dans certains textes, ainsi « Le pays lointain ». rnrnSpectacles, rencontres, lectures, expositions, publications, la foisonnante année Lagarce commencée en septembre dernier se prolongera jusqu'en 2008. Livret d'un opéra de Jacques Lenot, « J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne » fait l'objet d'une très prochaine création mondiale au Grand Théâtre de Genève avec l'orchestre de la Suisse romande. De son côté, François Berreur reprend au théâtre de l'Athénée à Paris « La cantatrice chauve » de Ionesco dans la mise en scène de Lagarce de 1991 : « Ce sont les mêmes acteurs et les mêmes techniciens. J'ai demandé à chacun de refaire sa partie. Cette pièce a été fondatrice pour le théâtre de Jean-Luc, il revendiquait particulièrement pour cette pièce l'exercice de mettre en scène ». rnrnNombre de pièces et textes de Lagarce vont être montés et présentés sur bien des scènes : Besançon ou Bordeaux, Paris ou Grenoble, Rennes ou Saint-Etienne et tant d'autres encore mais aussi Rome et Berlin, Madrid et Barcelone, Lisbonne et Sao Paulo, Buenos-Aires et Yaoundé. Lagarce aurait eu 50 ans le 14 février prochain, les jeunes compagnies découvrent souvent ses textes traduits en une quinzaine de langues. Il est aujourd'hui l'un des plus joués des auteurs.rnrnrnYves ANDRIKIAN rnpour l'Est Républicain