www.lepays.fr
Article du dimanche 25 janvier 2009
Grand Est
Made in Alsace : le sucre d’Erstein plébiscité par les cuisinières alsaciennes

La production de sucre semoule, destinée à la pâtisserie, est vendue à 80% dans le Grand Est. Photo Denis Sollier
Un taux de notoriété régional de 80 %, une fidélité des cuisinières locales inébranlable… la petite Alsacienne des emballages du sucre d’Erstein n’est pas prête de perdre son joli sourire.
Le test vaut toutes les études marketing. Demandez à une Alsacienne « pur sucre » quelle marque de saccharose elle achète ; elle vous répondra quasiment invariablement : « Du Erstein, pourquoi ? » Oui d’ailleurs, pourquoi ? Parce qu’en Alsace, aussi sûrement qu’un Dijonnais relève son plat à la moutarde Amora, une Alsacienne sucre ses desserts avec du Erstein. Cette fidélité s’explique par une histoire plus que centenaire de la sucrerie d’Erstein (lire ci-dessous), par l’implication des producteurs de betteraves dans l’outil industriel, mais aussi par un lien rare entre les consommateurs et la marque. « On a toujours beaucoup travaillé sur le packaging, explique Lionel Chevrier, directeur de la sucrerie. Évidemment, on profite d’un fort sentiment régionaliste. Mais on a une écoute client très poussée. » Avoir l’oreille de la cuisinière alsacienne vaut toutes les campagnes de publicité, quand 80 % du sucre de bouche Erstein vendu aux consommateurs — contrairement au sucre produit pour l’industrie — l’est dans le quart Nord-Est de la France. « On a toujours fait en sorte de pouvoir répondre à toutes les demandes », précise Lionel Chevrier.
Dans les linéaires des grandes surfaces, on retrouve donc les traditionnels kilos de sucre cristallisé (1 et 5 kg) pour les sirops ou les compotes… le sucre gel pour ne pas rater ses confitures, le sucre semoule fine pour les pâtisseries, le sucre glace pour les gâteaux de Noël et la décoration, les boîtes de sucres enveloppés (deux morceaux de 5,2 g et trois morceaux de 7,8g) et les bûchettes, les dosettes… pour le café.
Qualité numéro 1
« Tout le sucre d’Erstein est du numéro 1 précise Michel Butscha, inspecteur des cultures. Ce qui veut dire qu’il est très pur et très blanc. » Même recherche qualitative pour les sucres roux. La betterave d’Alsace est remplacée par de la canne à sucre « qui ne provient que d’un seul fournisseur à La Réunion. Sa couleur est bien ambrée, le grain est plus gros et nous produisons une cassonade très recherchée ».
La betterave dans les cuves, les hommes d’Erstein doivent ensuite adapter la production au marché. Sur le sucre de bouche, il y a une grosse demande de sucre glace à Noël pour les bredeles. Autre pic de consommation, l’été, au moment des confitures. « Mais là, on doit s’adapter à la production de fruits. Une année avec peu de fruits entraîne une baisse des ventes de 40 % sur le sucre cristallisé », précise Michel Butscha. En revanche, la crise économique actuelle n’a pas boosté les ventes, contrairement au choc pétrolier de 1973 qui avait vu les Français entasser du sucre dans leur cave. Autre époque, autres mœurs…
Une aventure industrielle et humaine qui dure depuis 1893

Reprise de la production de sucre à Erstein, avec la campagne de betteraves de 1945. dr
La SA des Sucreries et Raffineries d’Erstein a été créée en 1920 par des capitalistes belges et français. Elle est l’héritière de la sucrerie alsacienne d’Erstein, fondée en 1893 par des notables et agriculteurs alsaciens. Ensuite, l’entreprise a survécu aux deux guerres mondiales, aux conflits sociaux et à un grave incendie en 1926. Toute cette histoire est très bien racontée dans un livre paru aux éditions Carré Blanc (rien à voir avec le morceau de sucre…).
LIRE Du sucre à Erstein de Marie-Paule Martin. Editions Carré Blanc. 104 pages. 25,15 €.
Moins de sucre, mais du bon et du bioéthanol
Au même titre que le sel, le sucre n’a pas bonne presse et se trouve souvent sur le ban des accusés lorsque l’on parle d’obésité ou de diabète. Une meilleure information a fait baisser la consommation moyenne de sucre de bouche, en France par an et par habitant, de 9,3 kg en 1995 à 6,5 kg actuellement. La filière française a encore perdu, l’année dernière, cinq sucreries et il n’en reste aujourd’hui que 25, dont celle d’Erstein. Pourtant, plus que le sucre, c’est son excès qui est mauvais pour la santé, et surtout l’absorption du sucre caché dans de très nombreux aliments (sodas, bières…)
« Le sucre c’est de l’énergie ! »
Erstein s’est adapté à cette évolution en proposant un profil pack qui permet un dosage précis et des produits pour sucrer de plus en plus petits. Le prochain article de la gamme Erstein sera une petite rondelle de sucre de seulement 3 g, déjà présente dans la gamme Daddy, l’autre marque du groupe Cristal Union. « Le sucre c’est de l’énergie, et il est présent naturellement, par exemple dans les fruits », précise Lionel Chevrier, directeur de la sucrerie d’Erstein. Face à cette baisse de la consommation, le groupe Cristal Union s’est aussi tourné vers la production de carburant bioéthanol, « seul moyen de maintenir les surfaces agricoles actuelles. » Dans la stratégie du groupe, Erstein restera spécialisé dans le sucre alimentaire quand la distillerie de Bazancourt, par exemple, produira du carburant vert.
Repères
L’entreprise.- Dirigée par les producteurs de betteraves d’Alsace, la sucrerie raffinerie d’Erstein a rejoint, en 2007, le groupe Cristal Union, lui-même composante d’Eurosugar, une structure commerciale coexploitée avec l’Allemand Nordzucker et l’Anglais ED & F Man. Eurosugar est le deuxième sucrier européen et détient un tiers du marché français avec six sucreries (marque Erstein et Daddy).
Les hommes.- La sucrerie d’Erstein emploie actuellement 180 personnes, renforcées durant la récolte de betteraves (de septembre à décembre) par 50 saisonniers.
La production.- En 2008, 5400 hectares (ha) de betteraves ont été cultivés par 500 planteurs alsaciens. Le rendement est le meilleur d’Europe, avec 86,3 tonnes (t) de betteraves/ha (année record en Alsace). Le rendement en sucre est de 13,5 t de sucre/ha. Pour 2009, la prévision est de 5800 ha. 25 nouveaux planteurs ont été recrutés. Ce sont des éleveurs qui veulent se garantir l’approvisionnement en pulpes de betteraves, et des maïsiculteurs qui souhaitent sortir de la monoculture et trouver une alternative aux problèmes de la chrysomèle. Un tiers de la production est destiné au sucre de bouche, le reste étant utilisé par l’industrie agroalimentaire.