Décès d'Etienne Chapas le sportif de l'extrême
Aveugle et unijambiste, le Vésulien sautait en parachute et faisait du ski.
VESOUL. Rebelle à l'occupant dès l'adolescence, Etienne Chapas entra en Résistance dans le groupe Lorraine. Le destin de cet enfant du siècle fut à la fois brisé et transcendé par une explosion qui, en avril 1945, le laissa aveugle et unijambiste.
Fils de marchands de meubles de Vesoul, ce grand garçon, costaud comme un roc, prit le risque en 1943-1944 de planter le drapeau français au sommet de l'église Saint-Georges et, à vélo, de servir de messager aux Résistants.
Dès la libération de Vesoul, le 12 septembre 1944, sans formation militaire, il s'engagea dans la 1ère DFL (division des Français libres). Sa force sans pareille, son courage le firent choisir le corps des brancardiers.
C'est la 1ère DFL qui, de Ronchamp à Giromagny, donna à partir de novembre 1944 le coup de bélier décisif qui fit reculer le Wehrmacht. Avec sa jeep et ses brancards, Etienne Chapas releva nombre de blessés et de morts. Début 1945, la 1ère DFL fut appelée à « nettoyer » l'arrière-pays de Monaco et de Menton. Etienne Chapas secourait un camarade sévèrement touché lorsqu'une « mine bondissante » explosa sous ses pas. Ses blessures furent terribles : yeux définitivement brûlés, face criblée d'éclats, une jambe arrachée. Les chirurgiens de Nice purent sauver l'autre.
Un mois avant ses 20 ans, Etienne était l'un des très grands invalides de guerre : il allait devenir officier de la Légion d'honneur.
Plein d'énergie, il passa le BEPC et le bac lors de sessions spéciales « anciens combattants ». Il apprit le braille à Paris et décrocha une licence de sciences économiques à Dijon, ville où il rencontra son épouse, Marie-Claire Lefils, qui allait lui donner quatre enfants : Laurent, Claire, Valérie et Antoine.
Bientôt, le diplôme de kinésithérapeute lui ouvrit les portes de grandes équipes sportives. Il assura la préparation physique et psychologique de la championne de rallye Michèle Mouton et fit partie du team de Guy Frequelin des grandes années. Il assista Frédéric Vichot au Tour de France et soigna de nombreux sportifs victimes d'accidents articulaires ou de claquages.
Pendant plus de vingt ans, le kiné vécut « à 100 à l'heure au contact des sportifs ». Il fut le premier aveugle et unijambiste à remonter sur des skis. Dès les années 50, il mit au point avec les moniteurs de Courchevel la méthode et le matériel permettant aux non-voyants de s'adonner aux joies de la neige.
Ce goût du défi permanent l'amena, avec son fils Laurent, à sauter en parachute et à rouler en tandem, y compris avec le champion Rudy Altig. Sur une route d'Alsace, son tandem roula à 190 km/h !
Voulant démontrer que le handicap est, avant tout, « dans la tête », il fut l'initiateur des épreuves Handisport, qui vont aujourd'hui jusqu'aux Jeux Olympiques.
Dans la vie, il ne connaissait pas davantage de limites. Administrateur à Paris de l'Union des aveugles de guerre, il fut inspecteur dans une compagnie d'assurance.
A Chassey-lès-Scey, où il créa un élevage de cailles, il passait la tondeuse, coupait du bois, montait un mur, faisait du béton, au point que ses voisins oubliaient sa cécité. Et il prit le temps de surveiller les études de ses quatre enfants. Etienne Chapas a vécu au moins quatre vies en une. Il a affronté sa dernière épreuve avec courage et lucidité.
source : http://www.estrepublicain.fr
Hommage à un Franc-Comtois hors du commun
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