Des gares pas comme les autres

Panorama culturel en Franche-Comté
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Mitch
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Des gares pas comme les autres

Message par Mitch »

Deux photographes betfortains, Simon Daval et Jean-François Lami, ont rejoint le camp polonais d'Auschwitz en train, en empruntant le même itinéraire que les convois de déportés. Une œuvre artistique commune aussi remarquable que poignante.

L'envie de bosser ensemble était là. Encore fallait-il que cela fasse tilt. Que le sujet tombe comme une évidence pour ne souffrir d'aucune discussion entre les deux amis photographes. Sans crier gare, le déclic se produisit sur le chemin du retour d'une exposition... photos. « C'est venu dans une discussion à bâtons rompus. On savait à ce moment-là que notre choix se porterait sur le camp d'extermination d'Auschwitz, en Pologne. Pour aller plus loin dans notre réflexion et notre approche, on se devait de construire un cheminement » explique le Belfortain Simon Daval.
Assez rapidement, l'idée de rejoindre Auschwitz en train, au départ de Drancy (camp de transit de la région parisienne), prenait forme. « In-two » était né. Comprenez là : à l'intérieur, à deux !

« Revenir 70 ans en arrière »
2000km de voies ferrées, une trentaine de gares... Pendant 10 jours, les deux Belfortains les ont arpentés en long, en large et en travers. Un périple où le hasard n'avait pas vraiment sa place. C'est l'Histoire qui dictait leur chemin. Ces mêmes gares qui ont accueilli pour un temps plus ou moins long les convois de prisonniers en transit pour le tristement célèbre camp de la mort polonais.
Bien entendu, le temps a fait son oeuvre, même si certains bâtiments peuvent encore transpirer de cette tranche noire de l'histoire contemporaine. « Le plus dur, c'est d'être dans des gares d'aujourd'hui, de se mettre en condition, de trouver des détails qui racontent le passé. Physiquement, nous étions dans des lieux modernes, mais dans notre tête il fallait être 70 ans en arrière. Si Sarrebruck, notre première gare, est un endroit qui ne témoigne en rien de ce passé, on a relevé qu'à Leipzig, une plaque commémorative raconte cette tranche d histoire aux visiteurs » se souvient Jean-François Lami.

« Une œuvre artistique commune »
Les deux compères travaillent chacun dans leur coin. Hument l'air ambiant à leur façon. Se laissent porter par leurs propres émotions. Observent parfois les mêmes choses et les expriment chacun à leur manière. « Nous sommes deux. Deux regards. Deux générations. Nous avons notre propre sensibilité. Si bien qu'en étant passé au même endroit, nos photos sont différentes. L'idée n'est pas de faire un documentaire mais une œuvre artistique commune. Le soir, on échangeait bien entendu sur le déroulement de la journée. On se nourrissait même du travail de l'autre. Un fait plutôt rare dans le milieu de la photo où l'on voit plutôt l 'autre comme un concurrent » souffle Simon.
Les deux derniers jours étaient réservés au camp. Ou plutôt aux camps d'Auschwitz et de Birkenau (Auschwitz Il), devenus aujourdhui des lieux d'histoire et de mémoire où la vie a repris le dessus. « Une nature verdoyante a repris ses droits dans le camp. Le passé est là. Mais il faut continuer d'avancer » raconte Simon.

« Contre-coup »
« Maintenant que tout est fini, tout reste à faire » sourit ce dernier. Tri des 5 000 clichés, boucler le périple avec le tronçon Drancy-Sarrebruck cet automne et faire connaître leur travail au grand public (un blog a déjà poussé sur la toile).
Une aventure de laquelle les deux photographes ne sont pas ressortis indemnes. Même si le filtre de l'appareil photo a joué à plein. « Personne ne peut rester insensible en visitant le camp. Mais on a toujours gardé à l'esprit notre volonté d'expliquer, de montrer... J'ai en mémoire une photo prise dans une salle ou était exposée une galerie de portraits de prisonniers. Des clichés pris avant leur entrée au camp. Je m'approche. Sur l'une des photos, une fillette tenait justement un appareil photo dans les mains. Comme pour me photographier » souligne Jean-François, la voix chargée d'émotion.
Si la violence des lieux a laissé s'échapper les deux Belfortains, c'était pour mieux les cueillir à froid. A leur retour. Avec un sournois contre-coup comme invité inattendu. Jean-François s'est par exemple mis à lire Primo-Levi. Simon, lui, ne regarde plus les rails de la même façon...

Ludovic Barbarossa, le 31/08/2012
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Mitch
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Re: Des gares pas comme les autres

Message par Mitch »

Simon a fait partie de nos membres. C'était à nos début.
Et aux siens aussi, comme en témoigne l'évolution de ses publications sur Internet, depuis son 1er blog, remplacé par son carnet de voyages "Des Mots d'Images", jusqu'à son site pro.
Bravo Simon pour cette magnifique réussite qu'est de vivre sa passion. :bravo:
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