Le 14 mai 1610, Ravaillac assassinait le roi. 400 ans plus tard, une centaine de « Ravoyard » et autres, ses descendants, regroupés en association familiale, tentent de réhabiliter leur patronyme. Ils ont inauguré hier un panneau à Lavigny.
Le patronyme « Ravoyard » serait un dérivé du verbe ravoyer qui signifie « remettre dans le droit chemin », au sens propre comme au figuré. C'est ce qu'essayent de faire les 110 membres de l'association « Famille Ravoyard », qui pour la plupart se réclament descendants de François Ravaillac, l'assassin du roi Henri IV, pour leur ancêtre. Hier, au hameau de Rosnay, sur la commune de Lavigny, ils ont inauguré un panneau en mémoire de leur illustre ancêtre, sur ces terres jurassiennes où sa famille avait été exilée après le régicide.
Du passage des Ravaillac dans le Jura, il ne reste aujourd'hui plus qu'un tènement de mur au milieu d'un pré. Un peu spécial non, de célébrer un ancêtre assassin ? « Il y a toujours beaucoup de polémiques autour de Ravaillac. Mais attention, nous ne sommes pas fiers qu'il ait tué un roi, même si celui-ci n'était pas très aimé ( par les Comtois : NDLR) et qu'il n'était pas tendre avec les Francs-comtois ! commente Michelle Briguere, présidente sortante de l'association. On se demande si on va avoir des réactions à cause du panneau. Rien ne prouve officiellement que nous sommes ses descendants, il y a d'autres théories mais nous on en est sûrs et ça ne nous gêne pas : on est fiers d'avoir quelqu'un de célèbre comme ancêtre et ça a été l'occasion d'un rassemblement de toute une famille. Le reste ne nous a pas vraiment effleurés… »
Un rapprochement scellé en 1993 par la création de l'association, qui a son propre blason. Tout a commencé avec Didier Ravoyard, un Jurassien du premier Plateau, qui a découvert il y a vingt-cinq ans le régicide dans son arbre généalogique. « Je l'ai appris par hasard, après avoir lu un livre d'André Besson ! se souvient-il. Il y a eu des Ravaillac, des Ravaillard et des Ravoyard, nous sommes les derniers. »
Parmi les 110 adhérents, des gens de tout âge, y compris des enfants, dont une cinquantaine étaient présents hier. Le gros des troupes vient du Jura et de Franche-Comté, le reste est installé à Paris, Lyon, Bordeaux, en Alsace et dans le Loiret.
L'association a tenu son assemblée générale annuelle, dans une étable à Montbéliardes prêtée par… monsieur le maire. Dans une ambiance bon enfant (agrémentée de quelques blagues comme « T'inquiète, j'ai pas de couteau !»), la famille Ravoyard a fait le bilan de l'année écoulée, salué les naissances, accueilli des « nouveaux » et présenté ses projets et rendez-vous pour l'année.
Une balade et une exposition à Bletterans sont au programme dès la rentrée. Le site Internet enregistre mille connections mensuelles. La joyeuse troupe a ensuite pris la route pour l'inauguration du panneau, créé à partir des bonnes volontés et financé par l'association pour quelque 400 euros. Une cérémonie en grande pompe et à la fois intimiste hier après-midi, en présence des élus du secteur.
« En ce jour de l'an 2010, nous posons notre empreinte sur la terre de nos ancêtres !» a déclaré la présidente, sous un tonnerre d'applaudissements. « Notre hameau ne sera-t-il connu que pour un assassin ? a ironisé le maire de Lavigny, Didier Boutin. J'ai été favorable au panneau dès le début : Ravaillac fait partie de notre histoire locale.
Aujourd'hui il y a encore des assassins, mais avec des méthodes différentes, c'est une répétition de l'Histoire. » Christian Vuillaume, président de la communauté de communes, a lui aussi applaudi des deux mains. « Ravaillac méritait bien son panneau dans le Jura. Même si son image n'est pas particulièrement valorisante, la famille Ravoyard, elle, l'est. »
Delphine Givor