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Article du lundi 19 mai 2008
La grande distribution fait trembler le petit commerce
En donnant une plus grande liberté d’implantation aux hypermarchés, le gouvernement espère faire baisser les prix.Mais le petit commerce risque bien d’en faire les frais...
Photo Y. Flammin
Combien reste-t-il aujourd’hui d’épiceries, de boucheries, de primeurs indépendants ? Sans parler des crémeries, des poissonneries, des drogueries, des quincailleries, des librairies ou même des stations-service qui ont complètement disparu de la plupart des villages de France. En choisissant de donner les pleins pouvoirs à la grande distribution, le gouvernement risque de porter un coup fatal au petit commerce qui émaille la France rurale. De quoi inquiéter Jean-Claude Delorme, vice-président de la CCI. « Cette libéralisation de manière non encadrée est extrêmement dangereuse, explique-t-il. On risque de voir se multiplier les ouvertures de moyennes surfaces aux portes de toutes les petites communes”. Et Jean-Claude Delorme de s’interroger : « M. Sarkozy a-t-il un projet pour reconvertir les milliers de m2 de surfaces commerciales dans les rez-de-chaussée des centres-villes ? » Depuis plusieurs années, la Loire s’est dotée d’un Schéma départemental d’équipement commercial pour justement respecter les équilibres entre grande distribution et commerce de proximité. Mais que deviendra cet outil, le jour où cette réforme sera adoptée ?
Car la Loire est déjà bien pourvue en hypers et supermarchés. Sur les trois arrondissements, le département compte aujourd’hui 580 surfaces commerciales de plus de 300 m2. L’arrondissement de Saint-Étienne compte à lui seul 303 surfaces de vente pour 436 000 m2. Mais ces dix, ces vingt dernières années, combien de petits commerces ont-ils baissé leur rideau ? Sans doute des dizaines, des centaines. À tel point que certains petits villages de la Loire n’ont plus ni boulanger, ni boucher, ni épicier : c’est ce que l’on appelle le début de la désertification… Il faut alors prendre sa voiture et faire des kilomètres pour acheter une baguette ou un litre de lait. Les personnes âgées ne peuvent alors plus rester chez elles, faute de pouvoir s’approvisionner à proximité. Le conseil général de la Loire a été l’un des premiers à prendre en compte cette désertification en finançant (avec l’argent du contribuable) l’installation de commerces multiservices ! Triste constat : dans la Loire, sur 290 communes de moins de 5000 habitants, 32 n’ont plus aucun commerce ; 127 n’ont pas d’épicerie ; 175 n’ont pas de boulangerie et 147 n’ont plus de café, qui est pourtant le dernier endroit où les générations peuvent se rencontrer et échanger. Et il resterait tout au plus 70 boucheries. Si l’on n’y prend garde, pour être tranquille, la vie à la campagne va vraiment être tranquille…
Frédéric Paillas
fpaillas@leprogres.fr
Saint-Bonnet-le-Château anticipe son avenir commercial
Le Haut Forez a un caractère bien trempé. Et ici, il n’est pas question de céder à la pression de la grande distribution. Avec ses quarante-cinq commerces et son marché qui attire en été chaque vendredi une centaine de forains, Saint-Bonnet-le-Château veut conserver son attrait commercial. Durant plus d’un an, les élus et les commerçants se sont battus contre l’agrandissement de la grande surface voisine, installée sur la commune de La Tourette à quelques kilomètres de là. Mais en vain. Puisqu’elle a obtenu en appel à Paris l’autorisation de doubler sa surface de vente. Pourtant, élus et commerçants n’ont pas l’intention de baisser les bras.
« Notre objectif, ce n’est pas de subir et de laisser faire n’importe quoi. Ce que nous voulons, c’est donner un vrai dynamisme au centre-bourg », explique le président des commerçants, Christophe Roche qui travaille en étroite collaboration avec la municipalité et la Chambre de commerce et d’industrie sur un projet de réhabilitation d’une friche industrielle de plus de 1 000 m2, à deux pas du cœur du village. Là, pourraient s’installer une moyenne surface de proximité et d’autres commerces. Et pourquoi pas également des producteurs du canton qui vendraient sur place les produits du terroir... Car l’objectif est bien d’éviter la fuite des consommateurs en périphérie. Une volonté que partage le nouveau maire, Roger Violante, qui a compris depuis longtemps la nécessité de conserver une dynamique dans son village. « Ce qu’il faut à tout prix, c’est éviter que les commerces qui ferment ne se transforment en habitation, explique-t-il. C’est aujourd’hui possible grâce à une récente législation. » Il y a quelques années, la précédente municipalité avait déjà racheté un ancien café, dans le quartier historique de Saint-Bonnet-le-Château, que des artistes ou des artisans pouvaient louer durant deux ou trois mois, pendant la période estivale. Avec seulement 1600 habitants, le chef-lieu de canton veut maîtriser son développement commercial. Un moyen qui lui permettra aussi -élus et commerçants en sont persuadés- de conserver ses habitants.
F.P.
La triste fin des drogueries de village
Il y en avait jadis partout. Il n’y en a pratiquement plus dans la Loire. Les drogueries ont toutes tiré leur rideau, les unes après les autres. Celle de La Fouillouse a résisté tant bien que mal. Michèle Ramilien a pris la suite de ses beaux-parents il y a 39 ans et avoue amèrement que les grandes surfaces ont tout tué. « Aujourd’hui, on arrive à peine à joindre les deux bouts », explique-t-elle. Dans sa boutique, essentiellement fréquentée par des personnes âgées, on trouve de tout : droguerie, bien sûr, mais aussi mercerie, papeterie, quincaillerie, jouets et même des martinets! Mais surtout quelques produits de qualité comme les fameuses cires La Châtelaine qui ne sont pas vendues par les grandes surfaces. À 63 ans, Michèle Ramilien qui habite au-dessus de son magasin, espère encore « tenir » deux ou trois ans. Mais elle n’est guère optimiste pour l’avenir du petit commerce. « Ils ont l’air de dire qu’il n’y a pas assez d’hypermarchés. Qu’ils continuent à en ouvrir et les villages mourront de leur belle mort, lance-t-elle. Le jour où on fermera, ils pleureront tous. Mais ça sera trop tard ». À La Fouillouse, Michèle Ramilien n’a pas envie de mettre la clé sous la porte. « Quand vous faites 1,65 euro de chiffre un samedi après-midi, c’est pas encourageant ; ça paie même pas l’électricité... »
F. P.