Jean-Marc Brignot, le Jura au naturel

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olif
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Jean-Marc Brignot, le Jura au naturel

Message par olif »

Nouveau venu dans le paysage viticole arboisien, Jean-Marc Brignot risque fort de devenir le véritable vigneron rebelle du Jura. De son passage chez Pierre Overnoy, il a gardé l'amour de la région (d'ailleurs il est venu s'y installer!), et la haine de la chimie. Privilégiant l'expression nature du vin et du raisin, il travaille de façon quasi-exclusive sans soufre et semble se régaler d'élaborer des cuvées colorées et pétillantes, avec le Ploussard entre autres, un cépage qui devrait lui permettre un certain nombre de fantaisies.

Nouveau venu sur Arbois, mais pas dans le monde du vin, car avant son arrivée à Molamboz, il présidait aux vinifications d'une maison de Champagne dont j'ai oublié le nom. D'où sa passion des bulles, aussi! Originaire de la Manche, donc pas forcément prédestiné à l'élaboration du vin, il a racheté les vignes du Domaine Robert Aviet. « Les vignes ont connu la chimie, mais ce sont de beaux terroirs! » lui a dit en substance Pierre Overnoy pour le conforter dans sa décision.

Une rencontre avec Jean-Marc est toujours un grand moment! Malgré son air nonchalant, l'exigence est une de ses priorités. Son credo du sans soufre ne l'empêche pas de vouer un véritable amour pour cette terre du Jura et ses cépages, le Ploussard tout particulièrement, et son ambition est d'en proposer sa propre vision, dans un respect total. Respect de la terre, respect de la vigne, respect du raisin, respect du vin, respect de la nature, respect du consommateur ... et respect du vigneron, à la recherche d'une cohérence dans sa gamme. Récolte, pressurage et mise sont les trois moments clés de la vinification du blanc. Le reste du temps, c'est un « boulot de feignant », et ça lui convient bien! Son grand truc, c'est les bulles, mais il n'y en aura pas (ou presque!) en 2005, à son grand désespoir! Les rouges, c'est moins évident, mais il y travaille! Et grâce à des parcelles situées sur quelques-uns des plus beaux terroirs d'Arbois (Curon, Curoulet,...), Jean-Marc dispose d'une matière première de grande qualité, ce qui fut vrai pour son premier millésime en 2004, et l'est encore plus en 2005, année bénie pour le Jura, mais pas seulement, qui a permis de rentrer des raisins d'une qualité époustouflante.

Petit aperçu d'une dégustation effectuée à Molamboz le 11 novembre 2006, les pieds sous la table, en mangeant une "poule au blanc", authentique et délicieuse recette normande.

- Arbois Soliste 2004
Savagnin de cuve sous voile pendant un an avec 20% de raisins botrytisés. Le nez est très finement oxydatif, d'une grande netteté et élégamment défini. La bouche s'enrobe progressivement, gagnant en harmonie au fil du temps. La finale est joliment croquante, avec des arômes d'épices et d'écale de noix. Un vin dorénavant bien en place, qui procure beaucoup de plaisir.

- La Foudre d'escampette 2005
Une gourmandise Pet' Nat' (pétillant naturel, dans le jargon!) en passe de devenir un des grands classiques de la maison. Pur chardonnay rond et tonique, avec une légère sucrosité résiduelle et une "bulle qui nettoie", cette Foudre d'escampette s'est attirée les foudres de l'administration douanière pour cause d'ambiguïté sur le nom car elle n'est pas passée en foudre. Tonnerre de Brest! S'il faut l'autorisation des douanes pour faire des jeux de mots, maintenant, on ne va plus guère rigoler que pendant les grèves du zèle!

Après ces deux vins blancs apéritifs, l'assemblée s'est soudain mise à chanter à tue-tête: "Viens Poupoule, viens Poupoule, viens!" Poule au blanc et au rouge, une réponse jurassienne à la normande!

- Arbois PP 2005
2/3 Ploussard, 1/3 Pinot noir. A moins que ce ne soit 2/3 Ploussot, 1/3 Pinard. A vérifier sur l'étiquette. Le premier nez est un peu sauvage, légèrement réducteur. Il change vite à l'aération. La bouche est fruitée, charnue, ronde et croquante. La finale présentait antérieurement, d'après Jean-Marc, une petite pointe d'oxydation que l'on ne retrouve pas cette fois-ci. Les tanins sont un peu marqués avec une note balsamique volatile. La mise est récente, le vin est en train de se mettre en place, son humeur est changeante actuellement, mais le potentiel est indéniable. A suivre avec intérêt!

- Arbois PBG 2005
Encore un vin indécis, au nom définitif incertain. PBG, pour Parcelle en Bas à Gauche. A moins que ce ne soit Ploussard Bien Gaulé! Une couleur, une matière et une concentration impressionnantes! Le premier nez est sur l'amande amère, l'Amaretto, la griotte. "C'est du bizarre" pour un Ploussard! Surtout que pour l'instant, il ne tient pas en place! Mais quel vin! Lorsqu'il se sera un peu assagi et stabilisé, on devrait tenir là une des toutes grandes expressions de ce cépage si capricieux.

- Arbois Cuvée Marc 2005
95% Ploussard, 5% Trousseau, en complantation. Une robe d'une intensité et d'une concentration inhabituelles pour un Ploussard. Inhabituelle n'est plus tout à fait le mot exact, au vu de la robe des deux vins précédents, mais celle-ci est noire comme de l'encre, ou presque. Et c'est du Ploussard! Il va falloir que je reprenne rendez-vous avec mon ophtalmo! Le nez est cacaoté, un peu balsamique, avec une petite pointe de végétal. La matière est superbe, comme "toute la came" rentrée ici en 2005. Superbe!

- Arbois Trousseau 2005
Une cuvée qu'il va falloir baptiser, maintenant le dépucelage effectué! Exit le "Trousseau du Puceau", la version 2004, qui par définition sera unique, vive le Trousseau 2005, dont la robe de soirée n'a rien à envier à celle de Marc. Rond et croquant, concentré, il y a du vin dans cette bouteille! Un cépage à redécouvrir complètement, au vu de cette interprétation brillantissime!

- Arbois "Chardonnay pas fini " 2005
Le nom est loin d'être encore trouvé pour ce vin au stade d'ébauche, encore en cuve. Le premier nez est marqué acétate, mais il s'agit de sa première sortie depuis sa naissance, on l'excusera donc bien volontiers. Un Chardonnay récolté à maturité "optimale", c'est à dire avec beaucoup de botrytis, millésime 2005 oblige. Fermentation non terminée, donc encore un peu de sucre, un chouïa de gaz, mais un fruité charmeur. Fraîcheur, droiture, salinité, volupté pour un équilibre quasiment aérien. Un véritable OVNI, à la fraîcheur stupéfiante.

Voilà qui devrait être en mesure de lancer le débat sur les vins naturels! C'est du Jura atypique, mais c'est bien du Jura quand même! Nature, vivant, en liberté! Même si les vins risquent fort de dérouter ceux qui voient en la cuvée Béthanie le symbole de la viticulture jurassienne!

Olif

Pour les amateurs d'exhaustivité (ce topic étant un mix de 3 comptes-rendus de visite au domaine):
http://olif.typepad.com/le_blog_dolif/2 ... rigno.html

http://olif.typepad.com/le_blog_dolif/2 ... _tabl.html

http://olif.typepad.com/le_blog_dolif/2 ... rigno.html
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"- A Chaux, il n'y a que des murets!
- Des murets agricoles?
- Des murets agricoles!"


Ben elle est Redde, celle-là! :invis:


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Trout39
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Message par Trout39 »

Salut à tous,

Encore un magnifique compte rendu d'olif'. Sa fine plume a encore frappé.
C'est fou la faculté que tu as à me faire saliver et d'un même coup, à me faire douter de mes impressions que j'ai eut lors de dégustations de ses vins...

C'est vrai que le domaine de Jean-Marc vaut le détour, au moins pour le personnage et sa philosophie!
Pare contre pour ma part je n'ai pas été franchement accroché par ses produits.
Pour tout dire je n'ai jamais été extasié devant ce type de vins dits « naturels» (hormis quelques très grands domaines qui sont à mes yeux, des exemples).
C'est quand même bon de rappeler que le produit naturel issu du raisin est bien le vinaigre et non le vin !

Les amateurs de vins "naturels", sans souffre,.. sont dans une bulle assez particulière où, il faut réapprendre et revoir ses références pour apprécier ces produits difficiles d'approches pour le consommateur lambda.
Ce sont très souvent des vins d'une grande richesse mais où il faut souvent faire abstraction de tel ou tel défaut. Je crois que c'est ce qui me dérange le plus.
Un monde à part.

Un exemple qui me fait sourire : ça se passe lors d'une dégustation dans un domaine produisant ce type de vin. Je fais la remarque que le vin avait une acidité volatile assez élevée, tout en restant courtois et sans dire que cela me dérangeait franchement. Le producteur m'avait présenté ce vin comme son fer de lance, son bijou, sa réussite.
Remarque relevé e par ce dernier : « oui, un peu mais c'est une belle et fine volatile. ».
Bon, s'en est rester là.
Un monde à part, je vous dis.

Enfin je ne suis pas non plus totalement réfractaire à tout ça. J'aime la diversité. Et à en croire les ventes, ce type de production, marginale, a le vent en poupe.
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