Article paru dans
Le bien public le 4 avril 2011,
http://www.bienpublic.com/fr/accueil/ar ... lesia.html
Archéologie. Où s’est donc déroulée la bataille d’Alésia ? Il n’y a guère qu’en France qu’une telle controverse puisse nourrir un débat aussi passionné et passionnant.
Les Gaulois n’ont pas fini de se battre à Alésia !
Vaincu à Alésia, Vercingétorix jette ses armes aux pieds de Jules Cesar. Reproduction de la toile de Lionel Noël Royer
Pouvons-nous être sûr que le site d’Alise-Sainte-Reine est celui de la bataille d’Alésia ? Une spécialiste, universitaire, répond.
Controverse. L’hypothèse de Syam-Chaux-des-Crotenay (Jura) a été relancée par le journal de J.-P. Pernaut, sur TF1. Potentielles. D’après E. Rabeisen, ancienne conservatrice des musées d’Alise Sainte-Reine, il existerait 3 850 Alesiae potentielles ! Scientifiques. Depuis ces cinquante dernières années, les démarches scientifiques ont considérablement évolué et conforté Alise-Sainte-Reine.
Rarement l’emplacement d’une bataille n’aura suscité une controverse, aussi passionnée que celui d’Alésia. Il suffit de solliciter un moteur de recherche internet sur les hypothèses d’Alésia pour avoir 101 000 propositions !
Parmi les plus connues, se trouvent les multiples “candidatures” jurassiennes au titre de la véritable Alésia. Une émission du journal télévisé de Jean-Pierre Pernaut a relancé le 2 novembre dernier, l’hypothèse de Syam -Chaux-des-Crotenay, relayée par Le Progrès du 21 février.
A ce propos, Élisabeth Rabeisen, ancienne conservatrice des musées d’Alise Sainte-Reine, chercheuse à l’université de Bourgogne réagit en prenant une certaine distance : « Tout le monde a son opinion sur Alésia, car il suffit d’avoir accès à internet. » En revanche, on sent poindre l’agacement : « C’est l’expression d’“archéologie officielle” dont nous sommes lassés d’être affublés. Elle n’existe pas en France. Le chercheur ne défend aucun enjeu financier et il n’y a pas de complot ! Je remarque qu’il y a un décalage total entre les défenseurs de la thèse de Syam et l’évolution de l’archéologie qui s’est professionnalisée à partir des années quatre-vingt, en même temps que progressaient les méthodes d’investigation scientifique. Le problème, c’est que les tenants de Syam raisonnent exclusivement sur l’acquis du XIX e siècle, sans prendre en compte les découvertes scientifiques les plus récentes. »
Pour expliquer la multiplication des Alésia potentielles, Élisabeth Rabeisen proposait dans le numéro de mars 1999 d’ Historia cette recette : « Prendre de préférence un lieu à toponymie ressemblante. Ajouter un bon zeste de ressemblance topographique avec la description de César (livre VII, 69). Saupoudrer, pour corser le plat, de quelques connaissances sur les civilisations antiques, de préférence grecques et celtes. Pour lier le tout, quelques gouttes “d’intuition poétique” (sic) suffiront. »
Quels sont donc les apports récents de la science à ce débat ? Elisabeth Rabeisen les passe en revue : « Parmi les clés de lecture du site d’Alise-Sainte-Reine, il y a les textes de César, Strabon, Plutarque et Dion Cassius et leur correspondance avec le paysage, mais ils ne sont qu’un élément insuffisant. C’est la convergence des découvertes qui appuie la certitude de la présence de l’armée romaine, au pied du Mont-Auxois : l’inscription trouvée en 1839 porte le nom explicite gaulois ALISIIA. Les premières fouilles effectuées à Alise-Sainte-Reine, sous Napoléon III, ont été sérieuses. Grâce à Joël Le Gall, on ne peut plus accuser les collaborateurs de l’Empereur de falsification des découvertes des travaux romains, des armes et des monnaies. Il y a l’apport de la recherche sur les monnaies gauloises et romaines retrouvées sur place, dont aucune n’est postérieure au siège, et celui, considérable, des photos aériennes de René Goguey et des fouilles de Michel Reddé qui les ont vérifiées au sol. »
Franck Bassoleil
Publié le 04/04/2011
