L'EQUIPE
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Kelleher : «Je veux les battre»
Entre la France et Byron Kelleher, c'est une longue histoire. Le futur Toulousain fut de la déroute néo-zélandaise en 1999 et en garde un souvenir impérissable. Mais, aujourd'hui, il a changé et il compte bien prendre sa revanche. C'est ce qu'il explique dans un entretien exclusif réalisé pendant le France-Géorgie de la semaine dernière.
«Byron Kelleher, pouvez-vous nous raconter la demi-finale de la Coupe du monde 1999 face à la France.
J'étais vraiment très jeune, je n'avais que 22 ans. Je jouais trop instinctivement. Je n'avais pas la lecture du jeu que je peux avoir aujourd'hui. Ce match venait après une grosse domination des All Blacks dans cette Coupe du monde. Pour cette demi-finale face à la France, on ne se faisait pas trop de souci je crois. Je n'ai su que deux jours avant que je serais titulaire. Je n'ai pas eu toute une semaine pour me préparer à ce match. Durant le match, ce n'était pas facile. Déjà, je n'avais pas assez joué par le passé avec les All Blacks pour savoir comment tout fonctionnait dans l'équipe. Et puis, les Français nous bousculaient tellement que je n'avais pas le temps de vraiment réfléchir à la tactique que je devais employer. Ce fut un cauchemar pour moi.
Pourtant, à titre personnel, vous n'avez pas réalisé un match catastrophique non plus ?
Non, c'est vrai. Jonah (Lomu) a dit après le match dans les vestiaires qu'il était content de ma performance. A la mi-temps, nous menions et je pense que je ne m'en sortais pas trop mal compte tenu du contexte. Mais, en deuxième période, l'équipe s'est relâchée. On était un peu trop détendus peut-être. Et, les Français nous ont fait craquer. Le pire souvenir de ma vie !
Avez-vous vécu de la même manière la demi-finale perdue en 2003 face à l'Australie ?
Non, ce n'était pas la même chose. Nous avions joué face à une équipe d'Australie qui était favorite. Les Wallabies étaient très forts, on ne peut pas dire le contraire. Je pense même qu'ils auraient été champions du monde s'il n'y avait pas eu un certain Jonny Wilkinson côté anglais. Et puis, nous ne dominions pas autant qu'en 1999. Non, 1999, c'était vraiment particulier.
Qu'est-ce que cela a changé dans votre façon de jouer et de vous préparer ?
Je suis devenu conscient de mes responsabilités. En 1999, on a déçu tous nos supporters, tout le pays même. Après cela, je me suis dit : « Faut que tu travailles si tu ne veux pas de nouveau être humilié ». Et j'ai alors travaillé comme un fou, notamment en salle de musculation. En 1999, je me suis promis de tout faire pour remporter le titre suprême. Je suis aussi devenu moins stressé. Avant la demi-finale de 1999, j'étais très anxieux. Plus maintenant. Je sais comment faire pour aborder un grand match.
Comment faites-vous alors ?
Je passe la veille du match seul loin du rugby. Je vais au cinéma ou je regarde des DVD. Je fais du shopping, j'appelle mes amis qui ne sont pas dans le rugby et nous parlons d'autres choses. Je fais tout ça dans le but d'être heureux au moment du match. Je crois que je suis meilleur quand je vais bien. C'est- bête ce que je dis, mais je ne l'avais pas compris en 1999.
N'est-ce pas à cause de ces deux défaites que vous voulez encore plus soulever le trophée Webb-Ellis le 20 octobre prochain ?
C'est vrai. C'est pour cela que j'ai refusé des propositions d'Angleterre et plus généralement de Grande-Bretagne ces dernières années. Bien sûr que j'aurais pu partir gagner plein d'argent. Mais, j'avais ce rêve, celui de gagner la Coupe du monde. Et ça, ça vaut tout l'argent qu'on pourrait me proposer. Je rêve de ça depuis que je joue au rugby.
Etes-vous inquiet avant ce match contre la France ?
Non, nous les respectons comme n'importe quelle équipe. Ils sont autant favoris que nous, c'est leur Coupe du monde. Ça ne leur a pas réussi face aux Argentins, mais j'ai vu les matches de l'équipe de France, ils se sont repris. On sait de quoi ils sont capables, surtout moi (sourire). Ils peuvent être surprenants, mais on s'est préparés à ça. Je veux les battre. Ce n'est pas une vengeance car j'ai pris une bonne leçon en 1999 et ça m'a servi. Ce serait une manière de boucler la boucle.
Mais, la France ne semble pas aujourd'hui au niveau de votre équipe...
Peut-être. Mais, en 1999 aussi, on disait ça. Je crois juste qu'une équipe comme la France est une équipe qui élève son niveau de jeu dans les grands matches. Je suis sûr que ce ne sera pas facile. On vient de les battre quatre fois de suite, ces derniers mois. Il en va de leur honneur. Je m'attends à ce qu'ils soient morts de faim.
Est-ce que votre confrontation contre Jean-Baptiste Elissalde vous importe durant ce match ?
Je ne le connais pas, enfin pas encore. J'aimerais bien qu'on discute, mais après le match (rires). Je sais que c'est un bon joueur. Mais peu importe. Si tu veux gagner la Coupe du monde, faut dépasser tous tes adversaires. Alors Elissalde ou un autre, peu importe. Bon, c'est vrai que si je le surpasse, je marquerais des points pour Toulouse... Non, je rigole, je ne pense pas du tout à ça si j'ai bien compris ta question (rires).
Propos recueillis par Damien DUSSAULT à Toulouse