Moi qui voulait aller me coucher, me voilà bien réveillé!
J'avais déjà parlé de ces classements. Je vais en remettre une couche.
Ils ne sont faits qu'à partir de chiffres, que l'on interprète comme on veut (de préférence mal).
Un exemple: la mortalité per- ou post-opératoire en cas de pose de prothèse de hanche.
Il en existe deux types (schématiquement):
_ la prothèse totale de hanche (PTH) posée "à froid", de façon règlée, en cas d'arthrose de la...? Hanche, oui
_ la prothèse intermédiaire (PI) posée en urgence ou semi-urgence en cas de fracture du col du fémur, éventuellement à une grabataire de 98 ans tombée du lit, cardiaque, diabétique, insuffisante respiratoire et rénale, démente etc...
Pourquoi remplacer la hanche d'une grabataire? Dans un but antalgique, pour ne pas la laisser souffir dans son lit.
En clinique, on ne pose que des PTH et, au moindre éternuement, on repousse l'intervention.
A l'hôpital, on pose les deux et, plus l'hôpital est petit, moins il posera de PTH puisqu'on est tellement mieux soigné en clinique (on y mange mieux et les infirmières sont soigneusement triées selon leur CV, cul voluptueux) que, si l'on a le choix, on évite l'hôpital.
Besoin d'un dessin pour imaginer les différences de taux de mortalité?
Or, le Point mélange allègrement les deux types de prothèses sans distinction. CQFD.
Je vous vois venir: il s'agit ici d'un classement des hôpitaux
publics.
Soit. Manipulons d'autres chiffres mais, cette fois-ci, n'accusons pas le Point et laissons faire l'hôpital.
Il y a quelques années, ma douce et tendre (aide-soignante à l'époque en chirurgie cardio-vasculaire au CHU de Strasbourg) s'est retrouvée avec une sciatique carabinée qui l'a clouée deux bonnes semaines (trois de douleurs en tout), au point de boire le moins possible pour se lever moins souvent. C'est arrivé en mobilisant dans son lit un gamin de 90 ans artéritique (donc cardiaque, insuffisant rénal...), grabataire, dément au point qu'il ne s'exprimait plus que par cris (toujours le même), sans aucune vie relationnelle, vivant en maison de retraite, qui pesait plus de 90 kg sans les guiboles. Il était venu se faire amputer de la deuxième guibole en raison de son artérite stade ultime: les artères sont bouchées, la jambe pourrit sur pied, si je puis dire. L'intervention est légitime pour la même raison que dans le premier exemple: les douleurs sont atroces.
Sauf que le jeune homme a fait trois arrêts cardiaques sur la table d'op et qu'il a été réanimé trois fois, de façon a sortir vivant de salle (mortalité per-opératoire = 0). Le lendemain, on l'a vite renvoyé dans sa maison de retraite où il est probablement décédé peu après (mortalité post-opératoire = 0).
Un mois après, ma chérie recevait une invitation du chef de service à une soirée tartes flambées, afin de fêter le classement du service en première place de sa spécialité par le Point.
Enfin moi, j'dis çaaaa... C'est vous qui voyez.
