En tout cas, je viens d'en finir un, que je recommande chaudement, voire avec un enthousiasme tout murique. Bien sûr, on n'atteint pas ici le sommet littéraire probablement insurpassable que sont les Liaisons dangereuses, mais l'élégance du style y dispute avec la maîtrise de la composition et une étonnante maturité quant au sens de l'équilibre de la construction diachronique narrative. Si.
Moi qui suis d'habitude peu amateur de la littérature "18e", amoureux que je suis du 17e s. français, je dois avouer qu'ici, on savoure chaque lettre avec un plaisir de gourmet... C'est presque aussi bien que les Lettres portugaises de Gabriel Joseph de Lavergne, comte de Guilleragues... On sent que Crébillon connaissait bien la bonne littérature du siècle précédent.
De plus, excellente préface de J. Dagen.
En langage matridocucien, cela donne ceci
Crébillon, Claude-Prosper Jolyot de (1707-1777)
Dagen, Jean (1933-....). Éd.
Dagen, Jean (1933-....). Préf.
Delon, Michel (1947-....). Postf.
Lettres de la marquise de M*** au comte de R*** / Crébillon Fils ; éd. établie et préf. par Jean Dagen ; postf. de Michel Delon. – Nouv. éd. – Paris : Éd. Desjonquères, 2010. – 258 p. : couv. ill., 21 cm. – (Coll. XVIIIe siècle / dir. par Henri Coulet).
Bibliogr. / Marie-Noëlle Vincendeau-Vanola p. 241-251.
ISBN 978-2-84321-127-0 (br.) 13,50 €.
Les Lettres de la Marquise de M*** au Comte de R*** est la première grande œuvre d'un écrivain de vingt-cinq ans. Il s'agit d'un roman par lettres qui ne donne à lire de cette correspondance amoureuse que les lettres de la femme.
Mariée contre son goût, la marquise cultive les figures successives et contradictoires d'une passion dont elle fait la substance de son existence entière. Des formes les plus gracieuses de la comédie de sentiment jusqu'à la tonalité tragique, toute la gamme des modalités de l'amour se propose à une épistolière fort habile à mettre en spectacle la vie du cœur. Rien n'échappe à l'héroïne des dangers vers lesquels elle court. Mais le savoir sont elle dispose est à la mesure de son impuissance : la raison n'est d'aucune efficacité contre la passion.
Le roman de Crébillon va du réjouissant au terrible. Il procure ces pages rares où l'émotion coexiste avec la perception de l'artifice qui devrait l'abolir. La qualité de l'œuvre, la maîtrise du romancier, le style, font des Lettres de la Marquise l'un des plus beaux romans des Lumières.
Crébillon fils (1707-1777). Sa vie se confond avec son œuvre. Tôt lancé dans les salons et les coulisses, il y apprend la vie qu'il décrit d'un pinceau impertinent. Le libertinage qu'on lui suppose l'envoie à la Bastille, il en sort pour devenir censeur royal. Les dates importantes de sa vie restent ses romans : Les égarements du cœur et de l'esprit (1738), Le sopha (1742), La nuit et le moment (1755), Le hasard du coin du feu (1763).