Les dentellières du conservatoire

Métiers et traditions
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Silvie
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Les dentellières du conservatoire

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Chargé d'histoire, le conservatoire de la dentelle de Luxeuil est un lieu magique dédié à une activité qui était d'abord économique avant de devenir une passion.
Le conservatoire de la dentelle de Luxeuil propose pendant toute l'année des cours pour se former à la couture de la dentelle. Les stagiaires reçoivent un kit en arrivant et les bénévoles du conservatoire offrent leur savoir-faire : monter le lacet, faire les brides, apprendre les points — au départ six d'entre eux — incruster un tissu au point de Paris puis effectuer des grilles en écailles, des brides en Y… La palette des compositions se compose d'environ 50 points différents, de quoi permettre à la brodeuse de varier à l'infini son ouvrage. Elle peut laisser libre cours à sa créativité et réaliser des modèles uniques. Les thèmes sont eux aussi variés, qu'ils soient floraux ou stylisés, classiques ou modernes. La dentelle de Luxeuil est une dentelle à l'aiguille, généralement monochrome. Les dessins sont surtout d'inspiration florale, les contours de l'ouvrage sont définis à l'aide d'un lacet, avec éventuellement une petite dentelle mécanique. Puis tous les espaces sont repris avec des points de remplissage exécutés seulement avec du fil et une aiguille. Chaque dentellière ordonne les points à sa guise pour une création aérienne ou plus intense. Le travail se fait à l'envers et aucun noeud n'apparaît, le nombre de points est incalculable, tout comme les heures de passées sur l'ouvrage.

La dentelle a perdu la place privilégiée qu'elle a occupé pendant des siècles, même si son exécution est un art véritable. Elle a été introduite en France à l'époque de la Renaissance. La princesse italienne Marie de Médicis emmenait dans ses bagages de somptueux costumes brodés d'or ou d'argent et garnis de dentelles de Venise ou de Milan. La dentelle restera pour la Cour et le Clergé, un signe d'élégance. La dentelle de Luxeuil tient sa renommée grâce à Napoléon III qui est venu avec son épouse « prendre les eaux » aux thermes de Luxeuil et la ville offrit une ombrelle en dentelle à l'impératrice. Le succès fut foudroyant. La noblesse et la bourgeoisie ont voulu posséder des pièces de cette magnifique dentelle. L'engouement perdura. Pendant la Première Guerre mondiale, les femmes se mirent au travail. À Luxeuil, pas moins de 140 entreprises employaient des ouvrières soit à l'usine soit au foyer. La dentelle était envoyée à Paris dans les boutiques de grand luxe. Même chose pour la Seconde Guerre. En 1947, il ne restait plus que 88 usines. On en dénombre six en 1980 et, « aujourd'hui sans doute trois ou quatre à peine, annonce une brodeuse, triste de toutes ces disparitions ».

La dentelle renaît aujourd'hui. Les centres d'initiation se multiplient, les expositions sont de plus en plus appréciées, les livres et les articles spécialisés sont en hausse et pourtant les dentellières professionnelles sont en voie de disparition. Le coût de la main d'oeuvre fait fuir les acheteurs potentiels. Le conservatoire de Luxeuil, créé en 1978, a su heureusement protéger ses collections et ses archives de dessins originaux (environ 2000) ainsi que son savoir-faire. Actuellement 150 adhérentes redonnent vie à une passion qui a brûlé de nombreuses femmes et jeunes filles dans le passé. L'idée de broder en couleur n'a pas été facile à réaliser pour ces dames qui présentent la dentelle de Luxeuil dans de nombreux pays, certaines même recevant des prix pour la qualité de leurs ouvrages. Lors d'un voyage, elles ont réussi à trouver en Belgique le matériel, fil, lacet, etc. et depuis les fleurs et papillons jaunes, bleus, violets ont fait leur apparition au conservatoire de la dentelle. Car la dentelle, comme la vie, mérite bien des couleurs.

source : http://www.lepays.net
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