La comète du Sire d'Arguel

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pieradam
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La comète du Sire d'Arguel

Message par pieradam »

A une lieue de Besançon, en descendant le cours du Doubs, on aperçoit à gauche, au-dessus de
Beurre, les dentelures de la montagne d’Arguel, parmi lesquelles se montrent encore quelques débris
d’un château féodal. C’est là, dit-on, que plus d’un sire d’Arguel recela le fruit de ses brigandages.
Ces seigneurs avaient dans leurs armoiries une comète d’or, qui a probablement donné lieu au récit suivant.
acques d’Arguel, l’un des derniers possesseurs de la demeure féodale de ce nom, se rendit particulièrement
célèbre par sa puissance et par la haine qu’il portait à ses voisins, les citoyens de la cité libre et impériale de
Besançon. Il rançonnait de la manière la plus cruelle ceux des marchands de cette ville que leurs affaires
forçaient à passer au pied de son château. À force de déprédations, il était venu à bout d’augmenter
considérablement le trésor que lui avaient laissé ses ancêtres. Il appelait cela « allonger la queue de la comète
d’Arguel ».
Enfin on résolut à Besançon à châtier ce brigand d’une manière exemplaire. En 1336, les citoyens et leur
vicomte, Jean de Châlon, ayant déclaré la guerre à Eudes, duc de Bourgogne, et à tous ceux des seigneurs de la
province qui avaient refusé d’embrasser leur parti, attaquèrent d’abord le château d’Arguel et, malgré la force de
cette place et la vive résistance de ceux qui la défendaient, ils parvinrent à s’en emparer. Mais le sire d’Arguel et
surtout sa précieuse comète, sur laquelle les assiégeants avaient compté pour se payer des frais de guerre, leur
échappèrent. Dans leur dépit, les vainqueurs brûlèrent la forteresse. Quelques mois après, ils expièrent ce
succès à la funeste journée de la Malecombe, où ils se firent massacrer au nombre de mille, pour empêcher
l’ennemi de s’introduire dans leur cité. Depuis ce temps-là, bien des recherches furent faites pour découvrir la
comète de Jacques d’Arguel ; mais jusqu’ici elles ont été à peu près inutiles.
La dernière, qui a eu lieu au commencement du XVIIIe siècle, avait pour auteur un paysan du village de Pugey.
Cet homme, qui passait pour hardi, s’était fait accompagner de deux de ses amis et avait choisi, pour exécuter
son dessein, la nuit de Noël. Il arriva au milieu des ruines du château, juste au moment où le diacre chantait à
l’église la généalogie de Notre Seigneur. Ses compagnons eurent peur et l’abandonnèrent. Mais lui, sans se
laisser décourager par cette défection et soutenu par l’espoir de s’enrichir s’il découvrait la comète, pénétra dans
le souterrain et se dirigea vers une petite lueur qui lui apparaissait dans le lointain.
Arrivé devant une porte de fer, il y frappa trois coups. La porte lui fut ouverte par un page richement vêtu. Il
entra d’abord dans un vestibule, puis dans une grande salle, où une quantité de cavaliers et de dames se
réjouissaient et faisaient bonne chère. Comme notre homme était là debout et les regardait, le président du
banquet, qui était Jacques d’Arguel lui-même, lui fit signe de s’asseoir au bout de la table, où on lui servit à boire
et à manger.
A la fin du repas, quand les cavaliers et les dames quittèrent la table pour le bal, le page qui avait reçu le
villageois le conduisit dans une salle brillante où se trouvait la fameuse comète. Cette prétendue comète avait
deux escarboucles en guise d’yeux ; des rayons de diamants formaient sa chevelure, et sa queue se composait de
toutes sortes de pierreries. Le paysan était ébloui. Cependant, le page puisa avec ses mains dans la gueule de la
comète, aussi étincelante qu’une fournaise, et en retira, à plusieurs reprises, plus de mille pièces d’or, qu’il étala
devant son compagnon en lui faisant signe de remplir ses poches.


Charles Thuriet 1891
J'te veux faire voir,si l'coucou c'est une mère
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